mercredi 14 octobre 2009

La critique cinéma de Jonathan Masia









UN PROPHETE



Date de sortie : 26 aout 2009

Réalisé par Jacques Audiard
Film français. Genre : Policier, Drame
Durée : 2h 35min.
Année de production : 2008


Concédons que la dithyrambique acclamation cannoise remonte déjà au semestre dernier et que tout a déjà été écrit ou dit à son sujet.
Néanmoins, revenir à froid sur ce Prophète là ne peut être considéré comme crime de redondance tant celui ci est… Grand.

Oui. Grand.
Le mot est lancé. Surtout avec le recul approprié.

Le topo, vous le connaissez. Condamné à 6 ans de prison pour un crime mineur, Malik El Djebena parait bien trop fébrile pour supporter le poids d’une telle sentence. Cependant, très vite pris sous l’aile d’un gang de Corses, le jeune homme va apprendre et devenir Caïd à la place des caïds.

Certains détracteurs n’y verront qu’un énième film de gangs ou un succédané carcéral de séries américaines à succès. Soit.
Mais il serait alors bien réducteur de passer sous silence le particularisme national métaphorique de ce Prophète qui prend à contre-pied tous les lieux communs au sujet de notre une et indivisible République.
Bien loin de la simple comptine mafieuse, Audiard met en images une réflexion poussée et tranchée autour du rôle ambigu de l’institution carcérale au sein du processus d’assimilation du modèle universaliste à la française, avec la déculturation qui en découle.
En arrivant, Malik ne sait rien. La prison joue alors ce rôle de tuteur que n’ont pas su remplir les institutions conventionnelles telle que l’école et va tout lui apprendre. Lire, écrire, se comporter en société, jouer un rôle, parler Corse et plus important encore : Le sens, si méritocratique, de l’effort pour monter en grade.
En ressort une métaphore de l’ascension sociale et de l’intégration made in République - puisque par le biais d’une des ses institutions dédiées - confrontées à l’échelle de valeurs inversée du milieu carcéral.

On touche alors là où ça fait mal :
Quid de la hiérarchisation des valeurs dites républicaines lorsqu’une de ses institutions emblématiques en est dépourvue ?
Quid de la dualité des organisations sociétales générées par les outils d’un même système censé être « un et indivisible ? ».

La force d’Un Prophète est donc de soulever ces pistes de réflexions qui touchent les contradictions d’interprétation et de mise en situation « à la française » de ce qu’est, en essence et en substance, la République.

Ainsi, après le bien trop convenu et minet  De battre mon cœur s’est arrêté , Audiard remet les pendules à l’heure et ferait même passer son magnifique Sur mes lèvres pour un vulgaire brouillon. Réalisation à couper le souffle, acteurs sur la brèche à la sincérité et à l’épaisseur hors du commun, rythme au cordeau et portée réflective et symbolique poussée… Tous les ingrédients y sont.

Ce prophète est définitivement Grand.


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