Des clés pour comprendre la débâcle des bourses
Ricardo s’est trompé sur toute la ligne… Le grand économiste anglais du XIXe siècle pensait que le marché s’autorégulait de lui-même. Mais ce principe a montré ses limites. L’histoire connaît aujourd’hui sa plus grande crise financière. Ses responsables sont montrés du doigt. Le krach a mis en exergue le manque de transparence et de régulation des marchés financiers depuis près de 20 ans. La course au crédit facile pour relancer la croissance, la titrisation, la spéculation et les produits dérivés sont autant d’éléments qui expliquent cette crise. La récession est en train de s’ajouter à la crise financière. Quels sont les véritables causes de cette crise mondiale?
Les institutions mondiales
Le Fond Monétaire International
Le FMI a été créé lors de la Conférence de Bretton Woods à la fin de la seconde guerre mondiale afin de garantir la stabilité du système monétaire international et d’empêcher l’éclatement de crises financières semblables à celle de 1929. Pourtant, l’institution n’a pas su anticiper la crise des subprimes et a montré son
incapacité à lutter contre la crise. La réputation du FMI a souffert du fait de son manque d’initiative. De plus, sa marge de manoeuvre à lever des fonds est quasi-nulle face à l’ampleur de la crise actuelle.
La Banque Centrale Américaine
L’économie américaine est fondée sur la consommation par le crédit pour relancer la croissance. L’ancien président de la Fed Alan Greenspan a encouragé, durant son mandat, la spéculation à outrance et le développement illimité du crédit. Les taux d’intérêts directeurs étant bas, les emprunts ont augmenté rapidement et ont alimenté l’endettement des ménages américains. Ces crédits étaient octroyés par des ménages peu solvables créant une bulle immobilière qui ne reflétait pas la valeur réelle des biens.
Les banques
Les banques sont à l’origine de la titrisation. Cette innovation financière permet de reporter sur les marchés les risques qu’elles prenaient en distribuant des crédits aux américains. Les crédits hypothécaires étaient alors transformés en titres négociables afin de multiplier les investisseurs et donc de diluer les risques. Lorsque la bulle immobilière a éclaté, les établissements bancaires détenaient tous des créances douteuses dans leurs actifs qui se sont soudainement dépréciés. La confiance interbancaire s’est figée et la liquidité s’est soudainement asséchée. Les taux par lesquels les banques se prêtent de l’argent se sont envolés à des sommets et les institutions mondiales ont été contraintes d’injecter des milliards de dollars afin d’inonder les
marchés pour que la confiance revienne.
La crise a de plus levé le voile sur la création monétaire directement imputée sur l’endettement des Etats. En effet, lorsqu’un crédit est dispensé, la banque crée de l’argent nouveau garanti par les remboursements de l’emprunteur. Avec 1000 dollars, il est possible de créer jusqu'à 100.000 dollars d’argent nouveau. Les quotas de réserves obligatoires d’établissement bancaires (10 % de réserves, 90 % de crédits) n’ont pas été respectés.
L’image des banques souffre d’un manque de transparence vis-à-vis des consommateurs.
Les normes comptables
Les normes actuelles nommées « IFRS » obligent les banques à valoriser leurs actifs « market to market » c'està-dire à la valeur du marché et non sur la base du prix d’achat. Lorsque l’économie se porte bien, les normes comptables entraînent un effet favorable sur les marchés mais lorsque l’économie est en crise, les normes ont un effet accélérateur de la baisse. En effet, le « market to market » valide la baisse initiale des prix d’actifs et par conséquent entraîne immédiatement les fonds propres des établissements à la baisse. Les banques ne peuvent donc plus se prêter de l’argent et les marchés souffrent d’une crise de liquidité.
Les agences de notation
Les grandes agences de notation sont : Standard and Poor’s, Moody’s et Fitch. Leur rôle est de donner des notes (sous forme de lettre) évaluant les risques associés à l’entreprise. En effet, elles permettent d’évaluer la capacité d’une entreprise à rembourser ses dettes. Pour simplifier, plus la note sera haute, plus le taux d’intérêt sera bas lorsque l’entreprise voudra emprunter de l’argent.
Cependant, ces agences sont rémunérées par les entreprises qui veulent être notées. Par conséquent, plus la rémunération sera grande, plus haute sera la note.
Les agences de notation disposent d’un grand nombre d’analystes afin d’examiner les entreprises et la conjoncture économique. Pourtant, elles n’ont anticipé aucune crise et ont montré leur incapacité à refléter la réalité. En effet, certaines banques la veille de leur faillite avaient des notes très satisfaisantes.
Les agences de notation sont par ailleurs accusées de faire la pluie et le beau temps sur les marchés financiers. Par conséquent, les agences de notation devraient acquérir une véritable indépendance et être déconnectées de tout conflit d’intérêt.
L’innovation financière
La créativité des ingénieurs financiers a permis de contourner progressivement les lois de la réglementation des marchés. Des produits dérivés ont été crées afin de diminuer les risques et d’accroître les gains.
Le CDS (credit default swap) est un contrat d’échange de risque entre deux établissements bancaires. Il permet d’échanger des taux d’intérêts entre deux parties qui s’engagent pendant une période donnée à intervertir leurs intérêts pour se couvrir d’une hausse ou d’une baisse éventuelle de leur devise.
Pourtant il s’agit d’opérations très spéculatives car les swaps sont opérés sur un marché de gré à gré c'est-à dire sans chambre de compensation qui s’engage à rembourser si la contrepartie est défaillante. Par conséquent, un établissement financier peut spéculer sur les évolutions du marché sans avoir à prouver qu’il détient véritablement les fonds propres en cas de défaut de paiement.
Ces swaps sont des produits très complexes que peu de personnes arrivent à contrôler. Cependant, toutes les banques et les fonds d’investissements utilisent cet outil qui est devenu le produit dérivé le plus répandu sur les marchés. En effet, les CDS sont estimés à plus de 70.000 milliards de dollars échangés. Les swaps sont à l’origine de la crise des subprimes car ils ne subissent aucune régulation.
De plus, les ventes à découvert ont précipité la chute des marchés. Elles consistent à vendre un titre pour le racheter ensuite à un cours moins élevé. Pour simplifier, l’investisseur emprunte un titre dans l’espoir de le revendre lorsque son prix sera descendu dégageant ainsi une plus-value. Lorsque l’économie est en crise, les ventes à découvert précipitent les cours à la baisse et permettent aux spéculateurs de s’enrichir en dévastant les entreprises cotées.
Certains produits dérivés devraient donc être régulés par une entité indépendante.
Les hedge funds
Les hedge funds sont des fonds d’investissement privés non régulés qui gèrent près de 1800 milliards de dollars. Ils obtiennent des performances déconnectées de la tendance générale des marchés financiers. Leur performance est basée principalement sur la spéculation par le biais de produits dérivés.
Ces fonds réalisent des plus-values grâce au fort effet de levier dont elles disposent. L’effet de levier permet de prendre une position plus importante que la valeur de son propre capital. L’effet de levier est très risqué car il peut être jusqu'à 200 fois plus élevé que les fonds propres investis. Ces fonds ont été accusés de répandre de fausses rumeurs et d’accentuer la crise en spéculant à la baisse.
Les deux tiers des hedge funds dans le monde mettent leurs fonds dans les paradis fiscaux, ce qui accentue leur opacité.
Voilà les principales causes du krach actuel. La dérégulation des marchés, l’irresponsabilité des établissements financiers et leur manque de transparence ont favorisé la contagion de la crise, qui est devenue mondiale. Les prémisses d’une récession sont là malgré les injections massives de liquidités faites par les Etats. Ce sont malheureusement les contribuables qui vont payés les pots cassés des marchés boursiers tandis que les meilleurs traders toucheront d’énormes bonus !
H. de C.