vendredi 16 janvier 2009

« Yes We Can »

A l'occasion de l'intronisation de Barack Obama, le 20 janvier, ce dossier sur les élections américaines, reposant sur des témoignages de jeunes étudiants américains pendant la campagne électorale.


« Si McCain gagne ces élections, je pars au Canada ; s’il meurt et que Sarah Palin prend le pouvoir, je m’exile en Antarctique ». Cette phrase prononcée par Meaghan, une jeune étudiante en sciences politiques à Harvard de dix-neuf ans, pourrait résumer l’état d’esprit de la plupart des jeunes américains de la côte est à quelques semaines du scrutin final. Ainsi : sur une dizaine de jeunes étudiants, tous de la côte Atlantique du pays, mais de villes, d’universités et de formations différentes, une seule personne s’est déclarée « honnêtement apolitique et sans intérêt pour la politique » et dit « n’être pas encore sûre » quant à son choix entre les deux candidats, tandis que tous les autres soutiennent et supportent largement Barack Obama. Cette petite enquête est loin d’être exhaustive, mais permet de vérifier et de compléter des caractéristiques sociologiques sur les élections aux Etats-Unis ainsi que les prévisions des différents sondages. Si l’on observe une carte indiquant la couleur politique des différents états constituant les États-Unis, il apparaît clairement que les états du centre et du sud, sont plutôt républicains, tandis que ceux de la côte est et de la côte ouest plutôt démocrates. Et les sondages concernant les élections présidentielles de cette année semblent confirmer cette tendance. (cf. l’infographie sur l’évolution des sondages relatifs aux élections américaines sur le site du Figaro). En interrogeant directement quelques jeunes étudiants des Etats de la côte Atlantique, LXXV a cherché à comprendre les motifs de cette tendance largement favorable à Barack Obama chez ces jeunes américains, au-delà de l’idée reçue d’une population plus jeune, plus cultivée et plus ouverte dans les états limitrophes, en opposition à une population âgée, rurale et réactionnaire dans le centre et le sud du pays. Barack Obama a été l’objet d’un engouement sans précédent chez les jeunes du monde entier, symbolisant une volonté profonde de changement de la part des Etats-Unis, il s’agit pour LXXV de déterminer pourquoi Barack Obama séduit les jeunes Américains et de voir ce qu’ils attendent de lui.

Tout d’abord, l’intérêt des jeunes pour cette campagne est très fort. « Je m’intéresse énormément à cette élection présidentielle et pense que ce sera une des élections les plus importantes auxquelles je serai confrontée de mon vivant » raconte Meaghan. Quant à Mercy, vingt-trois ans, diplômée de l’université du Massachussetts, elle se considère « extrêmement concernée » par ces élections. Enfin, Alexander, vingt ans, étudiant en pharmacie à l’université de Rhode Island explique que « la politique figure dans les discussions au déjeuner et avec les amis ». En effet, sur une échelle de 10, ils situent tous leur intérêt pour la campagne entre 8 et 10, à l’exception d’une personne. Cet intérêt semble dû à une volonté profonde de changement de la part de ces jeunes. Volonté manifestant un profond raz le bol de l’administration Bush : « la politique n’était plus très importante dans ma vie quotidienne : avec Bush, je ne regarde pas énormément les nouvelles et j’ai une tendance à ne pas vouloir regarder ses conneries » raconte Alexander. Volonté de changement, incarnée dans la candidature de Barack Obama : pour Jonah, 21 ans, étudiant en Lettres à l’université du Massachussetts Obama a « l’esprit vivace, curieux et analytique ; des qualités qui devraient être indispensables chez un chef d’Etat et que nous n’avons pas eu à la Maison Blanche pendant maintenant huit ans ».

Barack Obama semble donc représenter un espoir pour ces jeunes en quête de changement. Ils disent tous avoir confiance en lui et en ses idées pour diriger le pays à l’intérieur comme à l’extérieur. Maggie, vingt ans, étudiante en relations internationales à l’université américaine de Washington, dit qu’elle « soutient Barack Obama parce qu’elle pense que ses projets politiques sont les meilleurs pour les Etats-Unis aujourd’hui et qu’ils auront les meilleurs effets à l’intérieur comme à l’extérieur du pays ». Elle ajoute qu’ « elle croit en lui personnellement, qu’elle a confiance en son caractère, et qu’elle a confiance en le fait qu’il va mener une administration ouverte et honnête. » Cet espoir, incarné par Barack Obama, est sans aucun doute lié au fait qu’il soit très jeune : à 44 ans, il serait le deuxième président le plus jeune des Etats-Unis après John Fitzgerald Kennedy s’il est élu. Espoir lié également à la couleur de sa peau : avoir un président noir (métisse) dans un pays qui a pratiqué pendant longtemps la ségrégation représenterait un véritable tournant. Pour Alexander « le fait qu’il puisse être le premier président noir des Etats-Unis est très important » et « le monde a besoin de savoir que l’Amérique est un pays moderne et que ce n’est pas juste un pays géré uniquement par des vieux messieurs blancs ».

Enfin, pour ces jeunes étudiants, le système politique américain nécessite d’être réformé. Pour Maggie « il y a eu beaucoup de corruption et d’influence négative ». En général ils sont contre le bipartisme de la vie politique. John, 21 ans, étudiant en littérature anglaise à l’université du Massachussetts, est enregistré comme indépendant, sans affiliation à un parti. Il affirme « détester le bipartisme » qui « apporte trop de dichotomie au processus électoral et réduit le nombre de choix possible de candidats ». Mercy explique : « on a beaucoup de réformes à faire, je pense qu’on a besoin de plus de partis ». Globalement c’est tout le système qui nécessite d’être réformé selon ces jeunes américains. Pour Meaghan, « le système politique aux Etats-Unis est complètement défectueux ». Mais, c’est surtout le collège électoral qu’ils critiquent. En effet, aux Etats-Unis le suffrage est universel indirect, ce sont les grands électeurs, regroupés en un collège électoral, qui élisent le président de la république. Ce système est perçu comme antidémocratique par beaucoup d’Américains, principalement des démocrates. Ainsi, Meaghan rappelle qu’Al Gore a gagné les élections au niveau national, mais n’a pas obtenu la majorité du collège électoral, ce qu’elle juge « complètement grotesque ». Alexander explique quant à lui que « ce modèle où les 800 « superdelegates » (ou grands électeurs) tiennent 20% du pouvoir, mais ne composent pas 20% de la population qui vote pendant les primaires n’est pas démocratique du tout ».

Barack Obama a scandé son discours de campagne pour les primaires dans le New Hampshire par le leitmotiv « Yes We Can » en Janvier dernier. Aujourd’hui, le peuple américain lui répond « Yes You Can ». Sa victoire aux élections présidentielles qui a suscité un taux record de participation (environ 66% des électeurs) montre que cet intérêt pour la campagne et ce désir de changement de la part des Américains était bien réel. L’élection d’un président noir à la tête des Etats-Unis représente incontestablement un fort symbole. Mais Barack Obama saura-t-il être à la hauteur de tous les espoirs qu’il a déclenchés ? L’histoire seule nous l’apprendra.


L.W.

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